THÉÂTRE

sans oublier les vivants * B O C A L

sans oublie les vivants * Théâtre

Dehors, c’est la tempête.
Louise boit la tasse dans une réalité qui la déborde.
La voilà qui s’embulle* chez elle avec pour seule compagnie, un poisson qui se prend pour Dieu. Interprétée par deux actrices, Louise se supporte, s’insupporte, questionne son rapport à l’autre et ce qui l’attend dehors.

Combien de temps peut-on vivre en naufragé dans sa salle de bain?

Prenant le public à parti, Louise se désillusionne avant de former de nouveaux grands espoirs.

sans oublier les vivants, c’est une écriture contemporaine au service de la création et la création au service de notre plume. Nous créons à trois têtes et six mains : trois jeunes adultes réunies par la nécessité de partager leurs sensibilités. Après une première exploration à trois, le travail est assaisonné par d’autres regards, d’autres paires de main.
Les textes qui composent cette création sont le fruit d’un questionnement de plusieurs années sur l’incertitude. Sur ces doutes qui nous prennent en tenaille à certains moments de nos vies.
Où va-t-on ensuite avec ces choix au creux du ventre, comme un poids entre le foie et l’intestin ?

* S’embuller, v., néologisme : transformer un espace clos en microcosme autosuffisant.

« Je voudrais être un loup et me gratter derrière les oreilles. »

- Louise

B O C A L * Lecture théâtrale et musicale

En 2023, nous avons décidé - Tamara Lysek, Alicia Packer et Mathilde Soutter - de reprendre le spectacle et de réécrire le texte de sans oublier les vivants sous la forme d'une lecture théâtrale et musicale qui puisse se produire avec un minimum de besoin technique sur le mode du café-théâtre avec une discussion informelle à l'issue de chaque représentation, comme nous avons l'habitude de le faire.

La première de cette version "à table" du spectacle se tiendra au Café Littéraire à Vevey, le vendredi 26 mai 2023.
Tournée suivra, dès la saison 2024-2025.

Tout public
Durée : 60 minutes
Besoin technique: micro, une table, trois chaises
Idéal pour formule midi-théâtre, théâtre d'appartement, festivals, théâtre en extérieur.

« Le texte, très dense, alterne entre profondeur intime, dérision, humour. La création fourmille de petits bijoux. Il y a tant à dire, tant à voir, qu’ aller les applaudir s’impose. »

- Catherine Fiaux, L'Omnibus

L'ÉQUIPE

Jeu, écriture et mise en scène : Tamara Lysek, Alicia Packer et Mathilde Soutter
Lumières : Adrien Gardel
Scénographie : Gilles Bessat, Keyne Motte
Son : Keyne Motte
Voix off : Valérian Vésin
Graphisme : Sébastien Baudet
Images : Trilog - Eric Motte

Photos : Mathilda Olmi, Dora Zarzavatski, Margot Voumard

Avec le soutien de : Délégation jeunesse du canton de Vaud, Délégation jeunesse de la ville de Lausanne, Fondation Ernst Göhner, Fondation Engelberts, FAE - Université de Lausanne
Coproduction : Teatro Comico, Théâtre de la Tournelle

« Belle écriture, très inventive [...].
On est embarqué dans [une] bulle [...], à ne pas manquer. »

- Bastien Blanchard, Césure, Radio La Fabrique

TOURNÉE


sans oublier les vivants

Théâtre de la Tournelle, Orbe, le 28 octobre 2017. Supplémentaire le 29 octobre 2017
Théâtre du Vide-Poche, Lausanne, du 1er au 5 novembre 2017
Théâtre de l’Oxymore, Cully, les 10 et 11 novembre 2017
Teatro Comico, Sion, du 8 au 10 mars 2018
Théâtre de la Grange de Dorigny, Lausanne, le 30 avril 2018
Théâtre de La Parfumerie, Genève, du 20 au 23 septembre 2018


BOCAL * Lecture théâtrale et musicale

Café Littéraire, Vevey: vendredi 26 mai 2023.

« T’as tout coupé, Louise, tout ce que t’aimais, tous ceux qui t’aimaient. »

EXTRAITS DE TEXTE


LUI : J’aime cette facilité avec laquelle tu proposes de me sucer. Je bande, je crois.
ELLE : Tu bandes toujours.
LUI : En huit ans, tu m’excites comme la première fois.
ELLE : T’as pas bandé la première fois.
LUI : Oui. Faisons-le.
ELLE : Oui.

Personne ne bouge.

PERSONNAGE EXTERNE : Ils ne se sont pas vus depuis des années. Des messages de temps à autre, irréguliers, beaucoup, puis rien, puis beaucoup, avec des mots d’amour, de sexe et de tendresse. Ils se sont perdus dans d’autres nuits et y ont mis fin, contents d’eux-mêmes. IL lui a proposé de la rejoindre. Sûrement parce qu’il a essayé avec d’autres et a ressenti un vide. ELLE travaille d’arrache-pied, elle a douté, paniqué, désiré, douté encore.

ELLE : Je devrais y aller. J’accepte de faire pour d’autres des folies que je lui refuse.

PERSONNAGE EXTERNE : La fusion de leurs deux êtres a duré vingt-trois heures et dix-huit minutes. Ils ont été au théâtre ou au cinéma, fait l’amour, se sont caressés sous la douche, ont fait une exposition, un restaurant, une galerie, se sont embrassés au milieu de la rue, dans le métro, et sur le quai qui s’est éloigné alors qu’elle bafouillait curieusement par la fenêtre de son wagon.

LUI : Tu sais, je me fous de ce que tu as fait ailleurs. Je n’y pense plus, tu me manques.
ELLE : Même si j’ai couché avec quelqu’un d’autre ?
LUI : Chacun ses limites. Mais tu ne l’as pas fait.
ELLE : Si.
LUI : Je ne veux pas savoir.

Un temps

LUI : Tu as couché avec quelqu’un d’autre.
ELLE : Tu ne veux pas savoir.
LUI : Tu me dois le choix de partir ou de rester.
ELLE : Mais si je te dis oui, tu pars.
LUI : Oui.

Silence

LUI : Alors c’est fini. Tu disparais de ma vie, à partir de maintenant, d’hier, si je pouvais. Je te hais. Nous aurions pu continuer à être heureux.
ELLE : Je ne l’étais pas.
LUI : Si.
ELLE : Tu me confonds avec toi.

...

LOUISE II : Je vais au-devant de la catastrophe. La lumière me découvre un paysage. Une brise légère, chaude, recouvre tout dans une seule torpeur, dans un éternel coucher de soleil. Je vois des lambeaux de chair se décoller, glisser, bruit de succion et larmes écarlates. Le rectangle horizontal de ma culotte est désormais recouvert d’une fine pellicule de soie rouge. La douleur dans le bas- ventre poursuit sa route, lancinante. Il est dit :

LOUISE I : « Les eaux du fleuve seront nauséabondes. »

LOUISE II : ...et je vois l’eau du fleuve changée en sang.
L’eau salée, lentement, se teinte d’impureté nourricière.
Les poissons crèvent, l’eau s’empuantit, privation et contamination. Il est écrit :

LOUISE I : « Sans effusion du sang, il n’y a pas de pardon. »

LOUISE II : ...et mes oreilles sifflent au contact des hurlements.
Les jambes ont leur vie propre, elles sautent et sursautent, se cabrent, fuient, sans plus d’attention pour le reste des corps. La délimitation des territoires n’est plus que tôle froissée. La douleur gagne du terrain, d’ici peu tout le cerveau y sera passé.
La nécessité de courir, lacérée, broyée, dans ce mélange couleur de feu.
Toits arrachés, portes enfoncées, corps flottants, corps de flottés, enflottés, corps abandonnés au désordre rouge.
Leurs poumons fendus ont accueilli l’eau, se sont gonflés en ondoyant sur la vague pourpre.
Les routes se paralysent, offrant leurs courbes aux failles sanguinolentes. Quelques vaches, prises au piège par la montée des eaux, progressent en âmes errantes. D’autres âmes, vivantes sans le savoir, sans y croire, pataugent.

...

Louise, elle a les seins flasques, les cuisses fermes, la colonne vertébrale en virage. Louise, elle croise ses jambes jusqu’à ce que les fourmis la fassent changer de posture. Louise, elle se trouve mignonne, mais pas belle. Une femme belle, c’est Monica Bellucci et Louise bah… elle n’a rien de Monica Bellucci. Louise a toujours eu de la peine avec les gens qui parlent beaucoup sans s’arrêter, mais elle n’a jamais eu le cran de les interrompre pour leur dire qu’elle était en train de boire la tasse et que tout ce dont elle rêvait, c’était de lever l’ancre. Louise a toujours voulu être pirate, connaître le nom de toutes les espèces sous-marines et mener sa barque mieux que quiconque. Tout ceci semble assez complexe vu que Louise, elle sait même pas hisser une voile.

Louise a donné sa télévision à ses voisins péruviens, elle ne veut rien savoir ni de Darius Rochebin ni de Daech, et encore moins de bise glaciale ou de politique américaine. Louise ne veut pas entendre combien il y a eu de morts, refoule les images catastrophiques, balaie la famine et étouffe le changement climatique. Louise écoute Bourvil et espère que sa tristesse s’arrêtera à un moment donné pour être prête à recevoir, comme une énorme gifle, le monde en pleine face.

...

POISSON : Louise.
LOUISE II : Oui ?
POISSON : Louise.
LOUISE II : Qui est là ?


Silence

LOUISE II : Y’a quelqu’un ?
POISSON : Oui.

LOUISE II : Oui ?

POISSON : Alors Louise, on s’est perdue ?

LOUISE II : Heu... mais vous me voyez ?

POISSON : Ouais et pour nous qui te regardons, c’est pas beau à voir.

LOUISE II : Qui ça vous ?


Silence


LOUISE II : Dieu ?

POISSON : Bingo.

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